Mordre le ciel : En réponse aux suicides
Titre : Mordre le ciel • Auteur : Gudule • Illustrateur :
Joël Brodsky • Éditions : Flammarion • Collection : Tribal
• Genre : Témoignage • Nombre de pages : 150.
★ ★ ★ ★ ★
Résumé : Il a sauté. Cyril a sauté. En étendant ses bras comme des ailes, largement. Sept étages plus bas, il y avait la rue. Une rue de dimanche matin, quasiment vide : des passants désœuvrés, quelques clients sortant de la boulangerie, à peine deux trois voitures. Et une lumière grise de printemps urbain. Il a sauté. Il avait dû y réfléchir toute la nuit, en grillant cigarette sur cigarette. Préparer soigneusement sa sortie, ce testament en forme de mise en scène. À seize ans, on aime claquer les portes et que ça fasse du bruit.
Pourquoi ce geste ultime, si violent ? Si destructeur pour Cyril,
pour les autres... Cyril, si rieur, si joyeux et apparemment sans soucis.
Un roman pour mettre des mots sur les maux, et comprendre
qu'un suicide n'a pas de raison, seulement des causes.
Un roman pour mettre des mots sur les maux. D'entrée, le ton est donné. Mettre des mots sur les maux... quelle étrange formulation! Pourtant, Mégane et moi l'avons souvent rencontrée durant nos études d'éducatrices spécialisées. Alors ? Faut-il s'armer d'un dictionnaire de psychologie pour pouvoir suivre ce récit ? Non, Grand Dieu non! C'en est d'ailleurs l'exact opposé. Car cet ouvrage a été rédigé dans la ferme intention d'aider toutes personnes qui, un jour, fut malgré elle touchée par la perte d'un proche, suicidé.
Ainsi, Mordre le ciel nous narre l'histoire de Cyril, un adolescent qui, jamais, ne fêtera ses seize ans. Enfin... Oui et non. Car l'histoire de ce garçon s'est achevée avant même que je ne puisse entamer les premières pages de ce roman. De fait, à travers le personnage de Maud, son ex belle-mère, nous découvrons les répercussions qu'engendre inévitablement un tel événement.
L'annonce. Le choc. Les premières lignes du récit. Marie n'arrive pas à parler. D'emblée nous éprouvons de douloureux sentiments! Comme Maud, nous ne savons que penser de la situation ; que dire à sa fille, anéantie. Très vite s'en suit le déni. Mais il ne dure qu'un temps... Car tôt ou tard, nous accusons le coup. Et tandis que l'annonce poursuit sa propagation, parviennent à nos oreilles de nouvelles informations... Et ça y est, la réalité nous frappe de plein fouet!
Durant cent cinquante pages, l'auteur n'a cessé de me tirailler. Colère, tristesse ou résignation, voici les émotions par lesquelles toute personne endeuillée va passer. Par ailleurs, en vue des circonstances, nombre de questionnements auront, eux aussi, occupé mon esprit. Parmi ceux-ci se trouvait l'interrogation suivante : "Quelles raisons poussent un si jeune garçon à se donner la mort ? " À cela, il me fallait une réponse. Et plus les pages défilaient, plus mon envie de comprendre devenait obsédante!
Mais tandis que je m'apprêtais à terminer ce roman, je me suis dit que je sortirai sans doute un peu déçue de cette lecture. Si l'auteur m'avait en effet fourni quelques éléments expliquant les causes d'un tel agissement, je n'arrivais toujours pas à me satisfaire de ses explications. Pourtant, une fois mon livre terminé, je fus convaincue d'une chose : Nul ne peut juger la douleur d'autrui.
Après quoi je me suis sentie bête. Bête au point d'avoir sous-estimé les douleurs d'un autre individu. Bête au point de m'être permis de juger si ce suicide était, oui ou non, "justifié". Bête au point même d'avoir cru que l'auteur serait en mesure de répondre à toutes nos questions... Fort heureusement, Gudule n'en avait pas la prétention!
Plusieurs jours durant, cette leçon de vie a continué à grandir dans mon esprit. Et plusieurs fois je me suis remémoré le récit de Maud. Quel personnage incroyable! Quelle maturité, quelle lucidité! Et puis, quel récit! Car bien que son message soit clairement écrit là, noir sur blanc, elle sait que les lecteurs concernés mettront, malgré tout, du temps à capter l'essence de ses mots ; moi la première...